Quatre toiles sur l’amour et ses péripéties, Louis-Léopold Boilly, 18e siècle

Ces toiles de Boilly sont issues d’une série de onze scènes d’intérieur commandées entre 1789 et 1792 par un mécène et amateur d’art avignonnais. Cette série est aujourd’hui dispersée et le musée Sandelin conserve l’ensemble le plus important avec quatre peintures.

Le fruit d’une étroite collaboration

Originaire de La Bassée (entre Lille et Béthune), Boilly est encouragé à ses débuts par le comte Antoine Calvet de La Palun. Le sujet est celui de l’amour et de ses péripéties, un thème très populaire au 18e siècle. Le marquis donne des instructions précises sur le résultat attendu et Boilly réalise des esquisses pour faire valider chaque toile. La série est typique du style de sa jeunesse : un nombre limité de personnages, l’emploi du clair-obscur et l’ajout de statuettes à visée symbolique.

Boilly propose une mise en scène nouvelle : son clair-obscur théâtral renforce la narration et la profondeur, de même que le petit format invite à la poésie et la familiarité. L’ensemble est remarquable pour sa facture lisse, sa touche “porcelainée” empruntée à certains peintres hollandais du 17e siècle (les fijnschilders de Leyde) et le soin apporté à rendre les textures des étoffes. Il propose une synthèse entre le rendu technique emprunté à la Hollande et l’esprit français du siècle de Beaumarchais.

Un artiste prolifique, témoin d’une société en pleine mutation

Boilly vit à une époque charnière, bouleversée par la Révolution et l’Empire. C’est un portraitiste exceptionnel, mais aussi un graveur et un lithographe de talent. A travers sa longue carrière, il a su restituer cette époque troublée avec humanité, fantaisie et virtuosité.

L’artiste a été un peu oublié entre la fin du 19e et le milieu du 20e siècles car perçu comme un trivial chroniqueur de son époque. La redécouverte récente de ses œuvres et la parution récente d’un catalogue raisonné en 2019 le replacent parmi les artistes majeurs de son temps.

Présentation des quatre toiles du musée Sandelin

La visite reçue

Au sein d’une composition claire et ordonnée, une jeune femme reçoit un billet de la main d’un jeune garçon représenté dans l’encoignure de la porte. La scène se déroule à la dérobée et à l’insu d’un officier, placé dans la pénombre et dont la présence est signalée par les vêtements qu’il a déposés sur le fauteuil au premier plan. Le tableau fait pendant avec La visite rendue, conservée à la Wallace collection.

L′amant jaloux

Le sujet se veut nettement plus théâtral que les autres tableaux. Une jeune femme se dresse face à la jalousie du vieillard, alors qu’un jeune homme se tient derrière le paravent. Sous des allures de vaudeville, Boilly met en scène une satire de la société et de son hypocrisie, bien éloignée des souhaits du commanditaire. Ce dernier voulait évoquer l’opéra comique en ridiculisant le vieillard. Cette version est refusée par Calvet de La Palun et la version finale est conservée au musée Pouchkine.

Le concert improvisé

Une jeune harpiste donne un concert, assistée par une chanteuse. Un jeune officier, l’épée au côté, qui l’écoute avec beaucoup d’intérêt, s’approche d’elle. A l’arrière-plan, dissimulés dans la pénombre, se trouvent une vieille femme assoupie et, près d’elle, un enfant jouant avec un chien. Le thème fait référence au sentiment amoureux, qui ne peut naître et durer intensément qu’à l’aube de l’âge adulte, seule période où la sensibilité décuple l’émotion.

Ce qui allume l′amour l′éteint

Un jeune couple se tient debout près d’une cheminée tandis qu’une vieille dame assise est absorbée par les jeux des enfants. Boilly illustre la brièveté de l’amour en prenant appui sur les âges de la vie. La jeune femme semble exprimer du regret à propos du sentiment amoureux qui a si peu duré, laissant le jeune homme rêveur. Elle invite ce jeune homme et le spectateur à pousser l’analyse en indiquant du doigt cette statue du Cupidon d’Etienne-Maurice Falconet, qui insiste sur le côté éphémère de l’amour.

La série de onze toiles

Perdus ou non localisés :

  • Les 4 âges de la vie ou Le moraliste ou Les plaisirs de chaque âge (perdu)
  • Le retour de l’infidèle aux pieds de sa maîtresse (localisation inconnue)

A la Wallace Collection, Londres :

  • Les malheurs de l’amour
  • La visite rendue 

Au musée Sandelin, Saint-Omer :

  • La visite reçue
  • Le concert improvisé
  • Ce qui allume
  • L’amant jaloux (autre version au musée Pouchkine de Moscou)

Au musée Pouchkine, Moscou :

  • L’amant jaloux
  • Scène familière

Dans des collections particulières :

  • L’hymen ôte à l’amour son bandeau
  • La beauté comme une fleur ne dure qu’un jour