L’histoire du musée Sandelin

Une somptueuse demeure devenue musée

Un hôtel particulier du 18e siècle à la mode française

En 1773, Pierre Sandelin, comte de Fruges, achète l’ancien hôtel du Gouverneur de Saint-Omer. Ce vieil hôtel étant délabré, décision est prise de le raser et de reconstruire à sa place une résidence neuve. Mais Pierre Sandelin meurt en 1776, c’est donc son épouse, Marie-Josèphe, qui mène le projet à son terme. L’hôtel particulier suit le modèle français de l’hôtel « entre cour et jardin ». Le corps de logis principal se prolonge par deux ailes en retour hébergeant les écuries et les cuisines, l’ensemble formant un « U » autour de la cour principale qui donne sur la rue. De l’autre côté, le bâtiment s’ouvre sur un jardin « à la française ». D’esprit rocaille, le décor sculpté anime la façade de motifs végétaux ou animaux exubérants. Depuis 1955, le bâtiment est classé Monument historique de par la rareté, l’exemplarité et l’intégrité des lieux. Cet hôtel particulier est d’ailleurs l’un des plus beaux témoins de l’architecture civile du 18e siècle dans le Nord-Pas-de-Calais.

Une histoire mouvementée

C’est en 1777 que Marie-Josèphe Sandelin prend possession de son hôtel particulier. Mais, en 1794-1795, pendant la Révolution française, l’hôtel est confisqué et les meubles sont vendus. La famille Sandelin est contrainte de fuir à travers l’Europe. A partir de 1795 et jusqu’en 1803 l’hôtel devient le siège de la mairie, puis, entre 1803 et 1808, il héberge la Sous-préfecture. En février 1808, Marie-Josèphe Sandelin, qui est d’origine espagnole, réclame la restitution de son hôtel et obtient gain de cause, puisque seuls les biens des nobles français ont pu être confisqués à la Révolution. La comtesse profite très peu de temps de sa demeure car elle y meurt certainement en avril 1808.

La création d’une collection

Lorsque l’hôtel Sandelin (appelé alors Colbert), est racheté par la ville en 1899, le Muséum de Saint-Omer existe depuis près de soixante-dix ans. En 1829, la Société d’agriculture et d’archéologie, une société savante locale fortement liée au monde économique de la cité, fonde la commission d’histoire naturelle, qui réunit les membres des grandes familles audomaroises, lettrés, amateurs d’arts ou curieux des choses de la nature. Ensemble, ils constituent, par leurs dons, une collection remarquable d’objets témoins des civilisations extra-européennes (Océanie, Afrique, Asie) ou de l’extrême variété du monde animal et minéral.

Les rénovations urbaines et les premières découvertes archéologiques audomaroises, réalisées dans les années 1830-1850, font évoluer cette collection de musée universel en musée d’histoire locale et de beaux-arts. La Société des Antiquaires de la Morinie sauve, en 1834, plusieurs éléments sculptés de la vieille halle échevinale, le lieu du pouvoir et de la justice civile, construit au 14e siècle, qui doit alors céder la place à l’hôtel de ville moderne sur la Grand’ place. Ces éléments rejoignent naturellement les collections du Muséum, tout comme les fragments sculptés des 12e et 13e siècles ou encore les magnifiques mosaïques de pavement exhumées en 1831 et datées de 1109, qui ornaient le sol de l’église romane de Saint-Bertin. Les dons de particuliers se poursuivent tout au long du siècle et de nombreuses céramiques étrusques, de petits vases grecs ou d’autres éléments gallo-romains rejoignent le fonds du Muséum.

En 1846, les quelques peintures du musée ornent le nouvel hôtel de ville, alors qu’un niveau de l’ancien baillage, situé lui aussi sur la Grand’ place, est mis à disposition de la Société d’agriculture pour exposer les collections du Muséum. Les dons se poursuivent et quelques achats spectaculaires sont réalisés, tel l’exceptionnel pied-de-croix de Saint-Bertin, acheté en 1898, et considéré dès lors comme la pièce maîtresse de la collection. Le baillage se révèle rapidement insuffisant pour l’accueil et la conservation des objets du Muséum. C’est pourquoi la Ville de Saint-Omer décide de prendre en charge le fonds et de se doter d’un premier musée qu’elle aménage dans l’hôtel Sandelin. Cinq années de travaux sont nécessaires et, le 10 avril 1904, le Musée de l’hôtel Sandelin est inauguré en grande pompe.

Visuels : Ruines de l’abbaye Saint-Bertin en 1820 / Lapidaire de l’abbaye Saint-Bertin / Inauguration du musée Sandelin le 10 avril 1904

Du muséum au musée moderne

Le musée Sandelin au début du 20e siècle

Les cartes postales anciennes et les guides de visite nous renseignent assez bien sur la disposition des collections au début du 20e siècle. Dans la cour d’honneur, la statue du duc d’Orléans accueillait le public. Cette dernière se trouve aujourd’hui au centre du rond-point situé devant la Maison du Marais. Les vestiges des églises et monuments de la Ville étaient exposés à même le sol, tout autour de la cour. Le rez-de-chaussée était consacré à la salle des Antiquaires de la Morinie présentant les fragments sculptés issus de l’abbaye Saint-Bertin et aux collections archéologiques léguées par M. d’Herbécourt, ainsi qu’une collection de préhistoire et les produits de fouilles menées à Thérouanne. Dans le corps central étaient exposés la collection d’armes et le pied de croix. On pouvait voir à l’étage céramiques, arts extra-européens et naturalia. La peinture était en revanche peu valorisée.

La donation et le legs de la Baronne du Teil Chaix d’Est-Ange

Le visage du musée change considérablement en 1921 avec le don, suivi du legs en 1933, de nombreuses pièces de mobilier et de tableaux de maîtres par la Baronne du Teil Chaix d’Est-Ange. Cette dernière avait hérité de son grand-père, Gustave Chaix d’Est-Ange, d’une remarquable collection, dont les plus belles pièces ont aujourd’hui intégré les collections de plusieurs grands musées français. Elle favorisa particulièrement le musée de Saint-Omer, en mémoire de son époux, Joseph du Teil, lié à Saint-Omer et Saint-Momelin, mort à la guerre en 1918. Les tableaux de Greuze, Lépicié, Nattier et Boilly rejoignent les salons, accompagnés des fauteuils recouverts des Fables de La Fontaine.

Il est désormais possible de restituer le charme d’une demeure noble du 18e siècle dans cet écrin architectural exceptionnel qu’est l’hôtel Sandelin. Pour ce faire, des travaux sont réalisés, entièrement financés par Paul Marmottan, grand collectionneur, qui légua ses biens à l’Etat pour créer le musée Marmottan à Paris et qui fut aussi le premier biographe du peintre Louis Léopold Boilly, dont plusieurs tableaux se trouvaient dans la collection du Teil Chaix d’Est-Ange.

Un musée sous l’occupation

Durant la seconde guerre mondiale, les collections des musées de Saint-Omer sont progressivement évacuées, afin de les préserver des ravages de la guerre, notamment des vols et des bombardements. En 1940, les œuvres de première urgence, comme la Croix de Clairmarais, sont envoyées à Trévarez, en Bretagne. En mai 1942, un deuxième envoi d’urgence a lieu au dépôt du château de Chardonneux à Saint-Biez-en-Belin, en Sarthe, tandis que la quasi totalité de la collection de céramique est mise à l’abri dans les caves du musée Sandelin. L’évacuation totale des céramiques se fait en juillet 1943, à la suite d’un ordre de la Direction des musées de France demandant de transférer le reste des collections municipales vers la Sarthe.

Toutes les œuvres réintègrent Saint-Omer en 1946 et sont rapidement remises en vitrine. Le 25 août de la même année, la municipalité inaugure la réouverture de ses deux musées.

Une nouvelle répartition des collections entre les musées

Dans ce musée universel et surchargé, le visiteur peine sans doute à se retrouver. Il existe de plus un autre musée, aux collections similaires, et situé à seulement quelques pas de l’hôtel Sandelin : dès 1894, la maison du collectionneur audomarois Henri Dupuis, avait été ouverte au public. C’est donc par souci d’efficacité et de lisibilité pour les visiteurs qu’en 1950 Simone Guillaume, alors conservatrice, décide de répartir les collections des deux musées en fonction de leur nature. Dès lors, le Musée de l’hôtel Sandelin devient le musée de beaux-arts, archéologie et arts décoratifs de Saint-Omer. Au Musée Henri Dupuis revient le rôle de musée d’histoire naturelle.

Dans les mêmes années, les boiseries des grands salons sont classées Monument Historique et plusieurs boiseries de l’Intendance des Comtes d’Artois sont acquises pour orner les petits cabinets de l’étage. Dans l’aile gauche, la galerie d’art religieux, revêtue de pierres de Marquise issues des alentours des ruines de Saint-Bertin, ménagent une progression jusqu’au trésor du musée : le Pied-de-Croix, exposé dans une vitrine tournante. Les jardins sont également aménagés, simplement mais suivant un plan classique, tandis que les façades sont restaurées et quelques éléments décoratifs resculptés en 1965.

Interview du conservateur du musée Sandelin en 1978

Dans cette archive de l’INA, datant du 17 novembre 1978, on voit le conservateur de l’époque, Philippe Gérard CHABERT. Il évoque la naissance de l’idée de créer les musées de France et les premiers musées. Il parle également de la constitution de la collection du musée de Saint Omer, des acquisitions, ainsi que du métier de conservateur.

La rénovation et la modernisation du musée de 1996 à 2004

Les années 1970 à 1990 sont consacrées à l’étude et à l’enrichissement des collections. De 1996 à 2004, de grands travaux de rénovation sont réalisés pour moderniser le musée de l’hôtel Sandelin.

L’accueil et la salle pédagogique sont aménagés, les collections restaurées et le nouveau mobilier muséographique dessiné par Frédérique Paoletti et Catherine Roulland. Dans cette nouvelle scénographie, l’objet est visible pour lui-même, au-delà de la mise en scène de l’ensemble de la collection.

Un musée pour tous

Dans les années 2010, le développement d’un service de médiation et de communication permet la mise en place d’actions envers différents types de publics, afin de rendre le musée accessible pour tous. Il intègre dans sa programmation des activités très diverses lui permettant de partager des connaissances sur l’art à travers des expériences humaines : concerts, visites, Cluedo géant, Escape Game, ateliers, RDV des bouts de chou, séances de bien-être, etc. La diversité de cette offre ainsi que les services proposés permettent d’accueillir au mieux les tout-petits, les amateurs avertis ou non, les personnes en situation de handicap ou encore les familles.

Dans le même temps, des partenariats ont été renforcés et d’autres noués avec les autres acteurs culturels du territoire, le Pays d’art et d’histoire (AUD), l’Office de Tourisme et des Congrès du Pays de Saint-Omer, la Bibliothèque d’agglomération CAPSO, le Conservatoire à rayonnement départemental CAPSO, la Barcarolle, la Coupole, la Maison du Marais, etc.

Depuis quelques années, le musée développe des outils numériques, afin de mettre les avancées technologiques au profit de la compréhension des œuvres : vidéoprojecteur interactif, tablettes numériques, numérisations d’œuvres et reproductions, etc.