Le Lever de Fanchon, Nicolas-Bernard Lépicié, 18e siècle

Cette œuvre de Nicolas-Bernard Lépicié est entrée dans les collections du musée Sandelin en 1921, grâce au don de la Baronne du Teil Chaix d’Est-Ange. Réalisée en 1773, cette peinture interpelle par la familiarité de son sujet et l’érotisme certain de la scène.

Une scène du quotidien rarement représentée

Cette peinture représente une jeune femme au lever et qui rajuste sa mise. Négligemment vêtue, elle enfile son bas alors qu’au pied de son lit, un chat vient se frotter contre sa jambe. Au premier plan à gauche, apparaissent des ustensiles de ménage, permettant de déduire qu’il s’agit d’une servante. Le choix du sujet n’est pas anodin pour l’époque, car les représentations humaines se concentraient davantage sur des personnages mythologiques et bibliques ou les classes supérieures. Portraiturer une domestique est donc une relative nouveauté dans la peinture française.

Des références osées

La peinture est une compilation de suggestions licencieuses. En effet, Lépicié s’attache avec habileté à rendre le vrai sujet sans le montrer. Le fait que cette très jeune femme rajuste sa tenue désordonnée suppose une nuit agitée. Le fantasme que représente la jolie domestique place le spectateur dans le rôle du voyeur qui regarde en travers de la porte. Le chat qui se frotte à sa jambe conforte le propos par sa connotation sexuelle. Ce tableau nous rappelle que, jusqu’au 20e siècle, les servantes étaient très souvent soumises à des violences sexuelles de la part de leur maître, bien que le sujet fût largement tabou.

Une grande maîtrise technique

Au-delà de la symbolique, Lépicié prouve sa grande maîtrise des blancs et des gris (que l’on retrouve également chez Oudry). Le peintre démontre son sens aigu de la composition et son habileté à rendre les textures et les matières. La nature morte au premier plan rappelle l’art de Chardin et l’usage de tons clairs et chauds souligne la douce atmosphère de cette scène.

Issu de parents graveurs et élève de Carl Van Loo, Lépicié est connu notamment pour ses peintures familières ; il atteint ici le sommet de son art à travers une scène ordinaire teintée d’un réalisme tranquille.