Cette toile, sans doute la plus connue de Pierre-Paul Prud’hon (1758-1823), est la réplique d’une commande pour le Palais de Justice de Paris. Par son intensité dramatique qui rompt avec les conventions de l’allégorie, cette œuvre incarne, en pleine période néo-classique, un nouvel idéal qui se manifeste dans la peinture romantique.

La peinture met en scène deux groupes : d’une part le crime et la victime représentés dans un réalisme pathétique et d’autre part, la Justice et la Vengeance divine, volant dans un même mouvement pour rattraper le crime.

La Justice (Thémis) brandit le glaive, sereine et déterminée. Rappelant Minerve, elle tient dans sa main une balance repliée, signifiant qu’il n’y a plus rien à juger. La Vengeance divine (Némésis) tient une torche et s’apprête à saisir le coupable.

Face à elles, la tête du crime est inspirée du buste antique de Caracalla, empereur romain ayant assassiné son frère. Il est d’âge mûr avec une mine brutale, tenant à la fois le poignard et la bourse volée. Il s’élance mais semble ralenti par un vent contraire qui souffle dans sa tunique et sa chevelure, une force invisible. Le cadavre qui repose au sol dans une position dramatique, lui retient le pied gauche comme pour susciter le remord.

Les forts jeux d’ombres et de lumières donnent aux figures une densité et un volume que l’on ne s’attend pas à trouver dans une allégorie. Le pathos est renforcé par le paysage lunaire et sinistre. L’effet est si efficace que cette image a beaucoup été reprise, notamment dans la caricature politique.

La peinture originale est une commande de 1804 par le préfet de la Seine pour la salle du tribunal criminel du Palais de Justice de Paris. Elle est aujourd’hui conservée au Louvre. Achevé en 1806, le tableau est exposé au Salon de 1808 et c’est à cette occasion que Napoléon Ier a décoré Prud’hon de la légion d’honneur. La version du musée Sandelin en est une réplique commandée à Prud’hon par un riche amateur milanais dans les années 1815-1818.