Cette peinture emblématique des collections serait contemporaine d’un original perdu, connu par une estampe de Bruegel l’Ancien datée de 1557. Une autre version serait conservée en Hongrie. La scène raille la pratique charlatanesque du retrait d’une pierre de la tête, prétendument responsable de la folie.
Une représentation cynique à l’humour grinçant
La scène se déroule dans un genre d’échoppe et se lit en cercle. Au sommet de la composition, des patients hagards se bousculent à l’entrée pour être opérés. Ils sont déshabillés de force, avant d’être attachés à un fauteuil. Au centre, le chirurgien principal, vêtu de noir et imperturbable, enlève la pierre du crâne d’un malade à l’aide de tenailles. Le patient se débat et plante ses doigts dans l’œil d’un assistant cherchant à le maîtriser. Près d’eux, un personnage au regard absent, coiffé d’un gobelet et vautré dans une corbeille, active des braises avec un soufflet. A gauche, un autre patient sanglé à sa chaise qu’il a renversée, tente de fuir un chirurgien qui lui enfonce une lame dans le crâne. A l’arrière-plan vers la gauche, une religieuse panse la cicatrice d’un autre malade.
Le tableau fourmille d’autres détails truculents comme le petit personnage à l’arrière, nu et en train de déféquer dans la cuisine, trahissant l’inefficacité du traitement.
Des questionnements qui dépassent la simple dénonciation
Cette pratique barbare, raillée dès le début du 15e siècle, est traitée par Jérôme Bosch vers 1501-1505. Bruegel amplifie la scène en y intégrant les vices liés à l’argent : le médecin à gauche prend les sous d’une main et opère de l’autre. Le peintre évoque avec sarcasme cette forme de torture comme en témoignent les instruments éparpillés au sol : pinces, lancettes, sangles, crochets, molettes… De même, l’attitude apeurée de l’homme à droite prêt à dégainer sa dague traduit l’horreur de cet acte. Mais Bruegel invite surtout à s’interroger sur la volonté des fous à entrer dans l’échoppe : pourquoi se pressent-ils à l’entrée s’ils refusent d’être opérés ? Serions-nous les principaux acteurs de notre propre folie ?